
Selon l’économiste Éloi Laurent, enseignant à Sciences-Po et à Stanford, il est urgent de cesser de se focaliser sur la croissance économique comme projet social. Il estime en effet que même en cas de reprise, elle n’améliorerait pas le bien-être des citoyens ni ne conduirait à la soutenabilité des économies et des sociétés. Pour l’avenir, de nouveaux horizons communs doivent être trouvés.
Si les experts s’accordent sur le fait que la croissance économique est vide de sa substance, le débat demeure sur l’épuisement de son sens. La majorité des économistes et des décideurs politiques réfutent cet épuisement et son abandon au profit d’autres horizons.
Ils continuent par conséquent d’œuvrer à sa relance. Il existe des stratégies de « retour à la croissance», plus ou moins conjoncturelles ou structurelles, et moins plus ou nocives.
La croissance keynésienne pèche par son court-termisme. Le recours aux outils de stimulation macroéconomique et budgétaires pour doper la demande s’oppose à long terme sur les enjeux environnementaux.
La mise en exergue de la technologie augmente quant à elle la productivité de l’appareil de production, démarrant un nouveau cycle de croissance économique. Néanmoins, l’emploi pourrait pâtir de cette croissance mécanique.
La stratégie de croissance par les inégalités consiste pour les gouvernements à imposer des « réformes structurelles » du modèle social. La loi travail en France, la réduction des droits sociaux des individus et des impôts pour les entreprises… sont quelques exemples de ces mesures rejetées par les populations, et qui ont creusé les injustices sociales.
Concernant l’économie numérique, censée être source de productivité et de croissance, elle cache une réalité moins rose. Peu d’acteurs de l’ubérisation apportent de « réelles » innovations technologiques, se contentant pour la plupart de profiter des aménagements financiers et fiscaux prévus, et n’en produisant que peu ou pas du tout.
Et toujours à ce sujet, ce modèle repose sur la monétarisation de services et activités censés être gratuits, la mobilisation du capital « non marchand » et entraine par voie de conséquence un empiètement de la sphère professionnelle sur la vie privée (temps de loisirs ou de « déconnexion » sacrifié sur l’autel du travail, véhicule privé affecté à un usage professionnel, résidence privée transformée en local commercial – les solutions de financement étant difficilement accessibles –, etc.). L’utilité économique sociale proprement dite est donc moindre, voire négative.
Enfin, la croissance verte vise à monétariser la contrainte écologique, mais il s’agit là encore d’une croissance à courte vue. En effet, les bénéfices ne compensent pas les dommages à grande échelle et durables occasionnés par ce système extractif sur la planète (pollution, séismes, etc.) et sur les hommes.
Important Aux États-Unis, malgré l’application successive de ces différentes politiques de relance de la croissance au cours des 15 dernières années, le taux de croissance cumulé n’a jamais été aussi faible.
En parallèle, les inégalités se sont aggravées, tandis que des domaines clés comme la santé ou l’éducation se sont dégradés. Une situation qui pourrait s’empirer avec la nouvelle administration.
Important Dans l’Union européenne aussi, l’imposition de critères budgétaires définis en pourcentage du PIB prive les États membres de croissance.
Or, au final, le culte de la croissance économique supprime progressivement l’esprit de coopération sociale, pourtant pilier de la prospérité humaine. Laquelle repose sur le bien-être des personnes, la résilience et la soutenabilité.