La perte du bien loué admise comme motif de dispense de loyer commercial par un juge du fond

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Les locataires commerciaux contraints de fermer boutique au premier confinement ont-ils le droit de s’affranchir du paiement des loyers correspondant à la période d’inactivité ? Cette question a été débattue devant plusieurs juges de référé et d’exécution depuis un an. Une récente décision du Tribunal judiciaire de La Rochelle pourrait y apporter une réponse finale.

Les autorités françaises ont décrété la fermeture de tous les commerces non essentiels entre le 16 mars et le 11 mai 2020. Pour les milliers d’exploitants commerciaux concernés par cette décision, la question du loyer s’est vite posée, d’autant plus que la suspension annoncée par l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 restait très vague. Face aux demandes de paiement des bailleurs, des locataires ont usé d’arguments issus du droit commun pour s’affranchir de cette obligation. La perte de la chose louée, selon l’article 1722 du Code civil, fait partie de ces motifs. Un juge du fond de La Rochelle admet ce raisonnement.

Une décision du fond sur les loyers du premier confinement

Les dispositions de l’article 1722 du Code Civil ont été retenues par le passé par des juges de l’exécution et des juges en référé pour régler les différends concernant la location d’un local commercial opposant des magasins fermés durant le premier confinement et leurs bailleurs. Aucun juge du fond ne s’est prononcé en faveur de cet argument – celui de la perte de la chose louée –, avant le récent verdict du Tribunal judiciaire de La Rochelle.

Le magistrat de cette Cour estime que la requête en dispense de loyer formulée par le locataire est justifiée, la perte du local intervenant à la suite d’un cas fortuit. Dans ces conditions, l’article 1722 du Code civil reconnaît la possibilité, pour le commerçant, de demander une diminution du loyer, voire la résolution du bail. Sur ce motif, le juge considère que le locataire ne doit verser aucun loyer à son propriétaire sur toute la durée de la fermeture administrative.

Le juge écarte l’argument de l’exception d’inexécution

Outre l’article 1722 du Code civil, le magasin de prêt-à-porter de La Rochelle qui a suspendu le paiement des loyers a invoqué un autre motif : l’exception d’inexécution. Selon le locataire, le propriétaire a manqué à son obligation de lui délivrer un bien dont il peut utiliser aux fins prévues dans le bail. Le juge du Tribunal judiciaire de La Rochelle a écarté cet argument. Dans sa décision, il estime que l’exception d’inexécution concerne uniquement les cas où l’impossibilité de jouissance du bien résulte d’une décision ou d’un acte prémédité du bailleur.

Or, la fermeture administrative du printemps 2020 n’est pas imputable au propriétaire, mais au « fait du prince ». Le bailleur ne s’est nullement opposé à l’utilisation des lieux durant cette période. Le droit lui reconnaît le cas de force majeure : la mesure émanant des pouvoirs publics l’empêche d’exécuter son obligation de délivrance du bien. Le locataire ne peut donc pas invoquer l’exception d’inexécution comme motif de suspension de paiement des loyers.

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