La question de l’exigibilité des loyers commerciaux échus pendant le confinement

une femme dans un batiment commercial

Les loyers commerciaux échus entre avril et juin, période d’inactivité pour bon nombre de cafés, restaurants et petits commerces, sont-ils exigibles par les propriétaires ? Le tribunal judiciaire de Paris a prononcé en juillet un jugement qui répond par l’affirmative. Cette décision n’est pas pour autant généralisable, surtout face à l’éventualité d’un reconfinement consécutif à une deuxième vague d’épidémie de Covid-19.

Nombreux sont les cafés, restaurants, snacks et commerces qui ont dû fermer leurs portes pour cause de Covid-19 entre avril et juin, à Paris comme ailleurs. Cette période de fermeture réglementaire a plombé leurs ventes et leurs réserves de trésorerie. Plusieurs locataires se retrouvent dès lors contraints de négocier un report ou un étalement du paiement des loyers échus pendant ces trois mois.

Certains preneurs ont opté pour une solution radicale, refusant d’honorer le contrat, estimant que l’arrêt réglementaire les déchargeait de leur obligation de s’acquitter leurs loyers. Dans un jugement rendu en juillet dernier, le tribunal judiciaire de Paris estime que le locataire est toujours tenu légalement de payer ses loyers commerciaux échus durant le confinement.

Le tribunal de Paris tranche en faveur du maintien des loyers échus pendant le confinement

L’état d’urgence sanitaire a pris fin le 10 juillet 2020 en France.

Ce jour coïncide avec le verdict du tribunal judiciaire de Paris en faveur du maintien des loyers commerciaux échus pendant les deux mois et quelques semaines de fermeture réglementaire décidée pour endiguer la propagation du virus. Le jugement de la cour porte sur une affaire dans laquelle le locataire – un restaurateur – soutient être dans son bon droit de refuser le paiement des loyers échus d’avril à juin.

Le locataire a appuyé son argument sur l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020. Selon sa propre interprétation, ce texte suspend l’exigibilité du règlement des charges locatives dues pendant le confinement, qui s’inscrirait dans le cadre d’une période « juridiquement protégée ». Le preneur martèle aussi que la fermeture réglementaire de son commerce le décharge de son obligation de paiement des loyers.

Le tribunal judiciaire de Paris ne partage pas son avis. Dans son jugement, la Cour précise que le fameux article 4 – modifié à plusieurs reprises – n’a jamais mentionné la non-exigibilité de paiement des loyers durant la période d’arrêt réglementaire. Ce passage n’évoque même pas l’annulation ni la suspension de ces loyers commerciaux. Le texte interdit simplement le recours à des méthodes de recouvrement « forcé » des loyers échus entre le 12 mars et le 23 juin.

Une décision isolée qui ne fait pas jurisprudence

Le jugement du tribunal de Paris s’applique seulement à ce cas particulier parmi des centaines d’autres contentieux entre bailleurs et locataires sur la question des baux commerciaux durant le confinement. Le juge a justifié sa décision par deux motifs non négligeables.

D’abord, le preneur avance une interprétation erronée de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306, qui n’autorise nullement les locataires à se prévaloir d’un droit de refus de paiement de loyers en raison de l’arrêt de leurs activités. Les arguments avancés par le locataire n’entrent pas dans le cadre d’un cas de force majeure ni d’un manquement à ses obligations légales du propriétaire. Le confinement fait partie de ces « circonstances exceptionnelles » dans lesquelles les propriétaires et les bailleurs doivent vérifier si les conditions d’exécution de leurs obligations doivent être adaptées à la situation.

Ces adaptations ne signifient en aucun cas l’annulation ni la suspension des paiements.

Important Le juge parisien estime donc que le restaurateur ne peut pas échapper à son obligation de payer l’intégralité des loyers du 2e trimestre 2020.

Le bailleur, considéré de bonne foi dans l’affaire, lui a déjà soumis plusieurs propositions de paiement – toutes refusées – bien avant la saisine du tribunal.

Cette décision n’est pas applicable à toutes les batailles judiciaires autour des loyers commerciaux en cours et celles à venir, liées de près ou de loin à la fermeture réglementaire consécutive à l’épidémie de Covid-19. Les experts en droit estiment qu’un autre juge pourrait prononcer un jugement à l’opposé de cette décision, si les circonstances diffèrent et si les parties concernées, surtout les locataires, invoquent d’autres arguments.

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