L’obligation essentielle du bailleur ? Au juge de décider

 Juge en réflexion

Un nouvel article du Code civil déclare réputée non écrite toute clause d’un bail commercial qui supprime « l’obligation essentielle du débiteur ». Compte tenu des nombreuses obligations d’un bailleur que ce dernier cherche toujours à exclure d’un bail, les juges vont devoir forger une jurisprudence déterminant quelle obligation est essentielle à la justice.

Respecter l’équilibre entre bailleur et preneur

Issu d’une ordonnance de février 2016, le nouvel article 1170 du Code civil considère que toute clause réduisant l’obligation essentielle du bailleur est réputée non écrite. L’objectif est d’éradiquer les clauses permettant au bailleur de se dégager de ses responsabilités essentielles.

Mais la question qui risque d’être souvent posée au juge concerne l’identification de « l’obligation essentielle ». S’agit-il de l’obligation de délivrance du bailleur, considérée jusque-là comme « l’obligation essentielle » de référence ? Ou bien doit-on mettre en avant le devoir d’entretien de la chose louée, ou encore le droit du preneur de jouir paisiblement de son bail ?

Car cet article 1170 du Code civil désigne « l’obligation essentielle » et non les »obligations essentielles ». À cause de cet article « singulier », les juges vont-ils devoir arbitrer certaines obligations de base comme étant moins essentielles que d’autres ? Comment les bailleurs vont-ils pouvoir rédiger les baux commerciaux sans s’appuyer sur une jurisprudence qui a choisi la clause vraiment essentielle, laissant les autres clauses pouvoir disparaître au grand bonheur des bailleurs ?

Une grande instabilité juridique

Si les juges retiennent la nature unique de « l’obligation essentielle du débiteur »,

Important de nombreux contrats vont devoir être revus à la loupe pour déterminer les clauses qui risquent d’être considérées comme ayant un caractère non écrit.

Cela pourrait remettre en cause les conditions financières difficilement négociées de certains baux commerciaux, comme ceux qu’on appelle « investisseurs » et concernant les centres commerciaux. De nombreuses clauses réduisent en effet les obligations des bailleurs, comme l’obligation d’entretien des parties communes ou le paiement de toutes charges et impôts.

Et comme l’article 1170 ne fixe aucun délai de prescription pour intenter une action en constatation du caractère non écrit d’une clause, preneurs et bailleurs se préparent des jours d’incertitude, dans l’attente d’une jurisprudence clarificatrice.

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