Évaluation fonds de commerce

Avant de vous lancer dans la signature de l’acte de vente, voire de vous engager à acheter un fonds de commerce auprès du cédant, vous devez en évaluer le prix. Or, c’est une opération complexe ; d’une part parce qu’elle doit prendre en compte des règles de calcul jurisprudentielles précises sur la base d’éléments objectifs ; de l’autre, elle fait intervenir des considérations subjectives liées aux caractéristiques de chaque fonds. Une évaluation rigoureuse est indispensable sous peine de sanctions juridiques et/ou fiscales.

Les différentes méthodes de calcul de la valeur du fonds de commerce

L’évaluation par le chiffre d’affaires

Évaluation fonds de commerce

Le plus souvent employé par les experts et les tribunaux, ce mode de calcul est le plus courant. Il consiste à déterminer le chiffre d’affaires annuel moyen réalisé au cours des trois dernières années d’exploitation et à le pondérer par un coefficient variable selon la nature de l’activité et les spécificités du commerce envisagé.

Le chiffre d’affaires pris en compte est, en principe, le total des recettes incluant la TVA.

Le pourcentage affecté est fixé par des barèmes d’évaluation par profession, et est généralement compris entre 40 % et 100 %. Des barèmes fiscaux indicatifs apportent des précisions sur le mode de calcul préconisé et la valeur moyenne des fonds de commerce pour chaque profession.

En complément, les chambres de commerce et de métiers ou chambres notariales fournissent de plus amples informations concernant les pratiques et usages en vigueur dans chaque localité.

À titre d’exemple :

  • La bijouterie-horlogerie et la boucherie appliquent un correctif de 30 % à 60 % du chiffre d’affaires annuel TTC moyen des trois dernières années ;
  • Sur le secteur des jeux-jouets, le barème est de 50 % à 60 % du CA annuel TTC ;
  • Pour une pharmacie, le taux appliqué va de 70 % à 100 % du CA annuel TTC ;
  • La fourchette est plus large dans le prêt-à- porter, où le CA annuel TTC est pondéré par 30 % à 70 %.

L’évaluation par le bénéfice reconstitué

Cette méthode consiste à calculer le bénéfice réel en reprenant le bénéfice déclaré fiscalement sur les 3 derniers exercices et en lui ajoutant divers éléments déductibles en comptabilité (notamment la rémunération du dirigeant et les charges sociales, les amortissements, les intérêts et agios d’emprunts).

Le résultat est ensuite multiplié par un coefficient qui n’est pas précisé par un barème officiel, mais est déduit d’un diagnostic qualitatif et d’une observation objective du marché. En théorie, ce coefficient multiplicateur varie de 1 à 8 selon la branche d’activité. Mais dans la pratique, selon la localisation et la nature du fonds de commerce à vendre, il est le plus souvent compris entre 3 et 4,5 ou 5.

L’évaluation par comparaison

L’évaluation peut aussi se faire par comparaison, en observant les montants pratiqués sur le marché pour des cessions ou transferts de fonds similaires à celui à estimer, tant par leur nature, leur emplacement, leur chiffre/volume d’affaires, leur état. La complexité de cette démarche réside dans la nécessité d’effectuer la comparaison dans des conditions matérielles, économiques et juridiques d’exploitation suffisamment proches entre les fonds pris comme référence et le fonds visé.

L’évaluation par référence aux valeurs antérieures

Cette approche utilise les valeurs auxquelles le fonds s’est échangé par le passé, et à les ajuster au moyen de coefficients de correction censés prendre en compte tous les paramètres d’évolution tels que l’inflation et sa commercialité.

Autre méthode d’évaluation

Plus rarement, la valeur du fonds de commerce peut être calculée sur la base du loyer ou du prix au mètre carré du local commercial.

NotesSi vous prévoyez de racheter un commerce « multi-activités », vous devrez prendre le chiffre d’affaires généré par chaque activité au prorata de sa part dans le chiffre d’affaires total.

Considération de la rentabilité

Il devient de plus en plus fréquent lors de l’évaluation d’un fonds de commerce de croiser le chiffre d’affaires et la rentabilité financière de l’activité, approche jugée économiquement plus équitable par certains experts par rapport à celle qui tient uniquement compte du chiffre d’affaires réalisé.

La valorisation du fonds nécessite par conséquent une analyse en profondeur du bilan comptable afin de déterminer précisément la rentabilité financière à mettre en balance avec le potentiel économique.

  • La « méthode de rentabilité » préconisée consiste à intégrer les éléments suivants dans le but d’obtenir un résultat dit « retraité » : les dotations aux amortissements et la rémunération des dirigeants s’il s’agit d’un fonds en nom personnel ou d’une entreprise familiale.

La principale difficulté de cette méthode porte sur la fixation du coefficient multiplicateur à appliquer à la marge brute d’autofinancement (MBA) ou à l’excédent brut d’exploitation (EBE) ; un problème finalement similaire au choix du pourcentage du chiffre d’affaires à retenir en cas d’utilisation du mode de calcul classique. L’exercice est d’autant plus délicat qu’il existe autant d’activités affichant un chiffre d’affaires faible que d’activités enregistrant des revenus limités, mais qui sont particulièrement performantes.

Où trouver les barèmes applicables ?

Une autre difficulté dans le calcul de la valeur d’un fonds de commerce est la recherche des renseignements nécessaires, en l’absence de base de données complète et disponible en la matière, les pourcentages et les coefficients communiqués étant purement indicatifs et résultant d’une étude des pratiques du marché.

En simplifiant, les barèmes les plus élevés s’appliquent aux fonds situés dans des quartiers attractifs et/ou pour des biens à la superficie importante en bon état, tandis que les barèmes les plus faibles sont utilisés pour des fonds localisés dans des zones peu propices au commerce et/ou pour des locaux étroits et en mauvais état. Pour obtenir des chiffres relativement fiables, l’administration fiscale est la principale source valable. En complément, les fédérations professionnelles, les chambres de commerce et de métiers, les chambres notariales ou les experts agréés par les tribunaux fournissent de plus amples informations concernant les pratiques et usages en vigueur dans chaque localité.

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Considération de la situation et de la spécificité de chaque fonds de commerce

Calcul fonds de commerce

Outre le chiffre d’affaires ou les bénéfices réalisés ces 3 dernières années par l’exploitant précédent, déterminer le prix de la cession du fonds de commerce nécessite aussi de prendre en considération les spécificités du fonds.

L’estimation des actifs incorporels

Les éléments incorporels ont un rôle essentiel à jouer dans la valorisation d’un fonds de commerce.

La clientèle et l’achalandage du magasin

C’est sans doute l’élément le plus important du calcul de la valeur du fonds de commerce, puisque sans la clientèle, et les ventes réalisées à cette dernière, le fonds n’existe pas. Au lieu d’une vente de fonds de commerce, l’opération se transforme en une simple cession d’éléments d’exploitation (par exemple le bail). Intéressez-vous également à la fiabilité et à la volatilité de ces clients, et surtout à l’impact possible sur le chiffre d’affaires.

La qualité de l’emplacement

Quand on parle de « bon emplacement », plusieurs critères reviennent régulièrement : artère commerçante, proximité des « locomotives » (supermarchés, grandes enseignes spécialisées), des écoles et des moyens de transport (métro/RER, train, bus, tramway). Mais pour un commerce de détail, en particulier s’il est situé en centre-ville ou dans les quartiers urbains, l’accessibilité ou l’existence de places de parking pour la clientèle est essentielle.

Les agencements

La qualité des agencements et aménagements ainsi que les dépenses qui y sont liées, auxquelles s’ajoute l’efficacité du système de protection et de sécurité, sont nécessaires à la valorisation du fonds de commerce.

Le nom commercial et l’enseigne

Différent de l’enseigne, mais pouvant cohabiter avec celle-ci, le nom commercial est celui sous lequel le fonds de commerce est connu (par exemple le nom de la famille qui a historiquement exploité l’activité). Permettant de caractériser le fonds de commerce, ces deux éléments sont en principe estimés avec celui-ci. Une enseigne nationale ou internationale par exemple doit valoir plus qu’un commerce indépendant.

Les brevets et marques de fabrique

Les brevets et marques de fabrique requièrent une évaluation distincte puisque la comptabilité de l’entreprise en facilite le calcul. Diverses méthodes permettent d’estimer leur valeur :

  • S’ils ne sont pas exploités, totalisez les frais de recherche qu’ils ont mobilisés ;
  • S’ils produisent déjà des bénéfices, capitalisez ces derniers ;
  • Si le brevet ou la marque est exploité sous licence, capitalisez les redevances de licence.

Le droit au bail

Les conditions juridiques et financières du contrat de bail interviennent également dans la valorisation du fonds de commerce, puisqu’elles déterminent la « valeur des murs » : la superficie, la configuration des lieux et leur état, les possibilités d’extension, le pas-de-porte le cas échéant, le règlement de copropriété, etc.

ImportantPour connaître le montant du droit au bail, il faut commencer par déduire le montant du loyer de la valeur locative de marché pour le calcul destiné à héberger le commerce. La différence ainsi obtenue doit ensuite être pondérée par un coefficient d’emplacement sur une échelle de 1 à 12, le maximum s’appliquant aux emplacements de premier choix, par exemple sur les Champs-Élysées.

Le fonds de commerce doit valoir au moins autant que le bail. Dans le cas d’un fonds dépourvu d’une valeur de droit au bail, celui-ci ayant été conclu au prix de marché, la justice l’estime à 35 % du CA total en tenant « compte de la valeur réduite du droit au bail et de l’incidence de cette valeur sur celle du fonds de commerce ».

Les autres éléments incorporels

D’autres éléments sont susceptibles d’influer de manière notable sur le chiffre d’affaires, et par conséquent, sur la valeur estimée du fonds de commerce.

  • Le personnel de l’entreprise en premier lieu est un élément de minoration ou de majoration de la valeur du fonds. Cela inclut les hommes et leur profil, mais aussi le chef d’entreprise (dynamique et investi ou au contraire, qui sous-exploite le potentiel du fonds) et l’organisation.
  • De même, les produits et le savoir-faire des équipes en place pour une société de services sont essentiels, puisqu’ils déterminent les revenus que vous pourrez attendre de l’activité, ainsi que ses perspectives d’évolution.
  • Prenez également en considération la position actuelle de l’entreprise que vous envisagez de reprendre sur son marché, son ancienneté et sa notoriété, le dynamisme des concurrents et l’environnement dans lequel elle évolue.

L’estimation des actifs corporels

Il faut distinguer la valeur des actifs corporels immobilisés (matériel, outillage) ou circulants (marchandise).

Les actifs immobilisés

Le matériel et l’outillage indispensables à l’exercice de l’activité font partie du fonds de commerce. Leur valorisation est basée sur leur valeur nette comptable. Si celle-ci est très faible ou nulle, alors que les actifs concernés sont de qualité, c’est leur valeur vénale qui est retenue. Celle-ci est généralement fixée par le marché, comme l’argus pour les véhicules.

Les actifs circulants

Ce sont essentiellement les marchandises en stock. Or, elles ne figurent pas au nombre des éléments constitutifs du fonds de commerce et ne sont donc pas intégrées dans le prix de cession final du fonds et doivent faire l’objet d’une estimation séparée au moment de la vente. La valorisation du stock doit prendre en compte son importance et son rythme de rotation, c’est-à-dire la vitesse à laquelle s’écoulent les marchandises. Concrètement, une décote est appliquée aux marchandises stockées depuis un long moment, le taux de cette dépréciation étant fonction de la nature de la marchandise et de la durée de stockage. De même, le niveau des stocks doit être cohérent avec l’activité normale de l’exploitant. Mais si l’excès de stock résulte d’une difficulté à écouler les marchandises, une décote supplémentaire s’impose. Quelle que soit la méthode retenue par les deux parties afin de servir leurs intérêts respectifs, le prix définitif est fixé après négociation.

La loi de l’offre et de la demande

Loi de l'offre et de la demande

Comme dans l’immobilier d’habitation, les prix fluctuent en fonction du rapport entre l’offre et la demande. En période de crise, ils sont orientés à la baisse, mais en cas de reprise du marché, ils remontent aussitôt.

Les documents nécessaires à l’évaluation du fonds

Pour effectuer le diagnostic de l’entreprise à reprendre, un certain nombre de documents sont nécessaires :

  • Les statuts de l’entreprise ou de la société avec K-bis et s’ils sont disponibles, les derniers procès-verbaux d’AGO ;
  • Les documents comptables complets et détaillés des trois ou cinq dernières années, certifiés par un expert-comptable ;
  • Le récapitulatif des dettes et des créances à recouvrer, y compris les créances douteuses ;
  • Les contrats de prêts, hypothèques, nantissements ;
  • Le contrat de bail commercial (vérifiez l’échéance, et assurez-vous d’avoir droit au renouvellement) ;
  • Les plans des locaux avec les surfaces développées et les surfaces utiles ;
  • La liste exhaustive des matériels et outillages indiquant leur âge et leur état et les contrats correspondants (de leasing ou de location) ;
  • Les principaux accords commerciaux et techniques ;
  • Le catalogue des produits et tarifs ;
  • Le cas échant, les données sur des litiges en cours, et si l’entreprise a été impliquée dans une procédure collective, les renseignements y afférents.

En conclusion

L’évaluation d’un fonds de commerce nécessite une réflexion sérieuse et un diagnostic préalable minutieux qui tient compte de toutes les composantes objectives de la valeur de l’entreprise, ses points forts et points faibles et son environnement.

Les barèmes que vous trouverez auprès des organismes officiels, des professionnels de votre secteur ou sur Internet ne sont communiqués qu’à titre indicatif, vous restez libre de convenir d’autres méthodes et éléments de calcul avec le vendeur. D’ailleurs, en cas de litige sur la valeur marchande d’un fonds de commerce, par exemple au moment d’une éviction, la juridiction appelée à statuer multiplie les méthodes de valorisation d’un fonds de commerce ; certaines privilégient la rentabilité ou la marge brute, d’autres considèrent l’excédent brut d’exploitation… au lieu de la seule technique basée sur le chiffre d’affaires.

Ne vous laissez pas influencer par les arguments du cédant, qui a tendance à la surévaluation, son approche intégrant une dimension affective et psychologique importante. De votre côté, les critères fondamentaux doivent être le retour sur investissement et la pérennité de l’activité ; outre le prix de rachat du fonds de commerce, intégrez dans le calcul le coût du financement ainsi que les besoins en fonds propres supplémentaires.

ImportantDemandez-vous également si elle répond à vos objectifs à long terme, notamment après la transmission et le départ de son dirigeant : comment va-t-elle évoluer sur les plans technique, humain, commercial et financier ? Au final, après le calcul, l’appréciation subjective et la négociation, la valeur réelle du fonds est celle que vous êtes disposé à payer, règles précises ou non.

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