Le nouveau Code de la commande publique apportera-t-il réellement la simplification promise ?

pile de dossiers

Le nouveau Code de la commande publique entrera en vigueur au 1er avril prochain. Mis à disposition des acheteurs publics, ce document regroupant 30 textes législatifs ou réglementaires vise à simplifier et à améliorer la lisibilité de la commande publique. À noter qu’il comprendra cependant 1 747 articles à droit constant. En quoi la simplification annoncée consistera-t-elle concrètement ?

Avec la réforme du Code de la commande publique (CCP), les interrogations se multiplient, notamment concernant la simplification promise. Les acteurs maniant la réglementation au quotidien devront en effet repenser la totalité des pièces des dossiers de consultation des entreprises pour qu’elles se conforment au nouveau corpus.

Le directeur adjoint des finances au pôle Commande Publique de la commune de Saint-Louis, Antoniolli Francois, explique que si le nouveau CCP peut sembler éloigné des préoccupations relatives à la simplification, il agrège la quasi-totalité des textes ayant trait à l’achat public (avis, arrêtés, concessions, Loi MOP, etc.). Il présentera ainsi un volume de papier pratiquement égal aux Lexis, Dalloz, etc.

Simplification de la gestion des achats innovants

Parlant du nouveau CCP, la secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances, Agnès Pannier-Runacher, a déclaré :

« Je suis convaincue qu'il permettra aux entreprises françaises, et notamment aux PME, de saisir pleinement les nombreuses opportunités économiques offertes pour répondre aux besoins de l'État, des collectivités territoriales et des entreprises publiques ».

Pannier-Runacher.

Pour sa part, le directeur de la commande publique de la ville de Clamart, Franck Barrailler, estime que l’allègement des procédures concernant les achats innovants est certainement l’élément le plus intéressant de la réforme.

La nouvelle réglementation prévoit en effet de fixer à 100 000 euros le montant en dessous duquel il est possible d’effectuer des achats innovants sans formalité préalable.

Selon Franck Barrailler, il s’agit d’une importante avancée étant donné que cette catégorie d’achats est caractérisée par une certaine spécificité. Cette mesure constitue une véritable opportunité pour les organismes désirant engager des achats innovants et dont les démarches étaient jusqu’alors limitées par la réglementation.

Des mesures à destination des PME innovantes

Pour Bercy, la réforme du CCP et les nouvelles dispositions gouvernementales visent à rendre la commande publique plus accessible aux entreprises, notamment aux PME innovantes. Le gouvernement a en effet adopté 2 mesures à destination des PME titulaires de marchés publics.

Le montant des avances versées à ces entreprises est quadruplé en l’augmentant à 20 %. Par ailleurs, le taux maximal de retenue de garantie financière est réduit de 3 %. Grâce à ces mesures, le besoin de trésorerie des PME diminuera de 125 millions d’euros par an dès cette année et de 175 millions d’euros par an d’ici 2022 selon Bercy.

D’après Franck Barrailler, le CCP ne doit pas être vu comme une échéance mais un moyen au service des acteurs désirant professionnaliser leurs achats. Pour ce faire, il faut considérer le pilotage économique et la performance comme des données fondamentales, affirme-t-il. Il note également :

« Il y a fort à parier que la fin de l'année 2018 et l'année 2019 ne seront pas des périodes fastes pour ceux qui portent le discours du pilotage économique des marchés publics et de la performance des achats publics puisque les débats vont porter essentiellement sur les apports engendrés par le code de la commande publique : mesures pro-PME, facturation électronique, fin des OS à zéro euro... Ceux qui porteront le discours de l'efficacité devront encore faire preuve de pédagogie et de force de conviction pour que leurs discours impriment dans un tel contexte réglementaire ».

Franck Barrailler.

Quelques appréhensions néanmoins

Franck Barrailler fait remarquer que ce sont essentiellement les marges de manœuvre conférées par la réglementation qui consacrent la responsabilisation de l’acheteur. Selon lui, les pratiques ne seront pas révolutionnées par le nouveau CCP mais par les différentes réglementations relatives aux marchés publics apparues depuis 2006 :

« Déjà en 2006, pour les procédures adaptées, la règlementation prévoyait que l'acheteur organisait librement son processus d'achat. Le décret relatif aux marchés publics de 2016 laisse aussi de grandes marges de manœuvre, donc responsabilise l'acheteur, lorsqu'il fait du sourcing ou lorsqu'il définit ses besoins, sans créer un cadre contraint pour ces activités ».

Franck Barrailler.

Quant au renforcement de la sécurité juridique promise par la réforme, Franck Barrailler reste dubitatif. Il remet notamment en question les moyens pour sécuriser davantage les contrats publics étant donné que de profonds changements sont apparus dans la professionnalisation des acheteurs.

Toutefois, le CCP fera certainement preuve de pédagogie auprès des entreprises. On s’attend à ce que celles-ci retrouvent dans un unique document l’ensemble des réponses à leurs questions concernant la commande publique. Le responsable des achats de GIRC Agirc-Arrco, Cedric Dufour, conclut :

« Les achats publics ont connu une évolution très positive ces dernières années en réduisant l'écart avec le privé même si on est encore loin d'être considéré comme un business partner pour l'entreprise. Les textes de loi ont aussi évolué mais tant que le droit restera une fin et non un moyen, le champ des possibles restera limité ».

Cedric Dufour.

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