Le reverse factoring, aussi connu sous le nom d'affacturage inversé, existe depuis les années 80 dans le secteur automobile avant d’atteindre la grande distribution. Dans un contexte de difficulté d'accès au crédit bancaire, notamment à cause de la crise, de durcissement des conditions des banques et de renforcement des règles prudentielles, le reverse factoring est en pleine croissance en tant que solution pertinente de financement à court terme.
Le mécanisme de l’affacturage inversé est l’inverse de celui de l’affacturage classique. En effet, dans le cadre d’un tel programme, le contrat est conclu à l’initiative du client (acheteur). Ce sont les fournisseurs et sous-traitants qui bénéficient d’un paiement au comptant garanti, qui leur permet de disposer rapidement de liquidités et d’optimiser leur trésorerie.
Un contrat d’affacturage inversé fait intervenir 3 acteurs : le factor, le fournisseur et le client (donneur d’ordre).
Le donneur d’ordre propose à ses fournisseurs un paiement au comptant de leur portefeuille de créances, moyennant une commission et un intérêt. Les fournisseurs qui acceptent le système signent un accord pour être payés par le factor sélectionné par le client à sa place.
Après la livraison d’un produit ou la réalisation d’une prestation de service, lorsque les factures sont prêtes, ils les lui transfèrent au format papier ou électronique, et à son tour, le client les transmet au factor avec les bons à payer correspondants.
La liste des factures finançables apparaît sur une plateforme internet à laquelle le fournisseur a accès 24 h/24 et sur laquelle il peut, s’il le souhaite, demander le paiement par anticipation des factures de son choix.
Le paiement en avance est effectué par un établissement de factoring spécialisé ou une banque dans un délai de 24 h à 48 h après l’émission des factures. Le règlement peut être effectué auprès du client, qui règle lui-même son fournisseur, ou directement auprès du fournisseur ou du sous-traitant. Lorsque les factures concernées arrivent à l’échéance convenue avec le fournisseur ou le sous-traitant (généralement soit 30 ou 60 jours généralement), le client (donneur d’ordre) rembourse normalement la société d’affacturage.
Contrairement à un contrat d’affacturage classique, c’est donc le client débiteur qui conclut le contrat de reverse factoring pour garantir et sécuriser le paiement avant échéance des factures reçues de ses fournisseurs.
Il existe deux types d’affacturage inversé :
La mise en place de l’affacturage inversé obéit à plusieurs étapes-clés : analyse du poste fournisseur, estimation des gains potentiels (rabais commercial, BFR), sélection de la solution d’affacturage et de la plateforme, mise en œuvre du programme, contractualisation, communication et formation des fournisseurs.
À chaque phase, l’implication des différents départements de l’entreprise (finance et comptabilité, achats, opérations, IT) est requise.
Le choix de la formule de « supply chain financing » est crucial et tient compte de plusieurs critères : la taille du commanditaire, son secteur d’activités, l’objectif poursuivi, les fournisseurs concernés.
La plateforme de reverse factoring a pour rôle de faire le lien entre toutes les parties prenantes en permettant les échanges de factures dématérialisées, la réception et la validation des factures par le client, les demandes de financement par le fournisseur pour certaines créances, les éventuels litiges, le paiement de l’établissement financier, les informations sur les frais correspondants, une visibilité en temps réel des encaissements, etc.
Outre la transparence et le gain de temps pour le fournisseur comme pour le client, ce portail est parfaitement sécurisé, chaque utilisateur utilisant un mot de passe individuel.
Important Le factor et le client donneur d’ordre peuvent s’accorder sur le partage d’un compte bancaire dont la gestion informatisée facilite l’envoi de virements au nom du client à destination des fournisseurs ou des sous-traitants. Ce dispositif assure la confidentialité sur l’identité de l’établissement de factoring de manière à ce que les fournisseurs ou les sous-traitants ignorent qu’il intervient dans le règlement de leurs factures. Néanmoins, ce dispositif n’est pas très flexible pour le donneur d’ordre désireux de basculer vers un autre partenaire financier.
Les plateformes multibancaires sont une autre option. Plusieurs établissements financiers s’unissent dans un programme et partagent une plateforme. Néanmoins, chaque associé conservant sa plateforme propriétaire, le traitement des factures est moins rapide, les fournisseurs ne pouvant être affiliés.
Les plus populaires à l’heure actuelle sont les plateformes « Purchase to Pay ». Mises en place par des sociétés spécialisées, elles permettent la multibancarité et la centralisation de toutes les fonctionnalités pour une gestion automatisée du processus depuis la commande à l’autorisation de paiement de la facture.
L'affacturage inversé permet au client de négocier une ristourne commerciale auprès de ses fournisseurs pour paiement au comptant, tout en continuant à bénéficier de ses délais de paiement.
Cet escompte accordé à un taux pouvant atteindre 5 % suffit à compenser le coût global du contrat d’affacturage inversé, qui s’élève généralement à 1-2 % du chiffre d’affaires et du volume de factures confiées, ainsi que la qualité du dossier. Il peut ainsi relever sa marge.
Pour le fournisseur, le reverse factoring est moins onéreux que l’affacturage classique puisque le risque est calculé sur un débiteur unique de premier ordre au lieu d’un grand nombre d’entreprises au profil hétérogène.
Autre atout, les fournisseurs sont payés, ils ne sont pas pénalisés par les délais de paiement et n’ont pas de risques d’impayés, l’engagement à payer du client étant irrévocable. Avec des créances clients moindres, leur Besoin en Fonds de Roulement (BFR) et leur bilan sont allégés. La rapidité du règlement réduit également les risques de change.
Le reverse factoring contribue ainsi à construire une image positive de la société cliente et à pérenniser ses relations avec ses fournisseurs stratégiques. Grâce à une longue liste de prestataires disposés à travailler avec elle, elle sécurise son cycle d’approvisionnement, augmente ses capacités d’achat et réalise des gains importants en productivité et en coûts opérationnels.
Grâce au programme d’affacturage inversé, le donneur d’ordre est automatiquement en conformité avec la loi de modernisation de l’économie (LME) imposant une limitation des délais de paiement à 60 jours. En parallèle, il maîtrise le nombre de jours crédit-fournisseur (DPO) et minimise les ressources affectées à la gestion des dettes fournisseurs. En effet, grâce à la plateforme informatique, l’ensemble du processus de facturation est fluide et raccourci : émission des factures, vérifications, validations et règlements se font de manière rapide et sécurisée.
L’entreprise porteur du contrat de reverse factoring en supporte le coût au lieu du fournisseur comme c’est le cas en affacturage classique. C’est son inconvénient majeur.
Par ailleurs, la technique ne fonctionne qu’avec des acheteurs présentant une grande surface financière et couverts par une assurance-crédit, donc capables de prendre en charge les risques liés à ses dettes vis-à-vis de leurs fournisseurs.
À cause du niveau très élevé de garanties exigé par les factors, peu de PME peuvent encore se permettre l’affacturage.
Traditionnellement, l’affacturage inversé s’adresse aux grands groupes jouissant d’une forte solvabilité. Quelques secteurs y ont davantage recours que d’autres : la grande distribution (centrales d’achat des grandes et moyennes surfaces ou des chaînes de magasins), mais aussi certaines grandes firmes industrielles.
Mais, de plus en plus, les services Achat des PME-PMI et ETI réalisant un chiffre d’affaires de 30 millions d’euros au minimum avec ses fournisseurs ou sous-traitants sur une année s’y intéressent, en particulier celles qui doivent gérer un grand nombre de fournisseurs ou de sous-traitants. Il convient autant aux entreprises privées que publiques, sociétés d’économie mixte ou collectivités.
Il s’agit pour les donneurs d’ordre d’éviter que leurs fournisseurs ne soient en proie à des problèmes de trésorerie, ce qui risque d’affecter leurs approvisionnements. Le reverse factoring est un moyen pour les premiers d’apporter leur concours aux seconds sans nuire à leur propre trésorerie et leurs indicateurs financiers (notamment les ratios de BFR et d’endettement).
Le coût de l’affacturage inversé comprend deux éléments : la commission de service et la commission de financement. L’une comme l’autre sont plus faibles en reverse factoring, d’une part parce que les volumes sont élevés, et parce que le débiteur se charge lui-même de l’envoi des factures émises sur lui.
Pour calculer la commission de financement, le factor prend comme référence le taux de l’Euribor à 1 mois ou à 3 mois et y ajoute sa marge. Celle-ci est inversement proportionnelle au volume de chiffre d’affaires ; lorsque celui-ci est vraiment conséquent, la marge appliquée peut être inférieure à 1 % de l’encours cédé.
Les affacturages inversés apportent une réponse efficace aux problèmes de financement rencontrés par certaines filières, et donnent aux fournisseurs des grands donneurs d’ordre les moyens d’éviter la pénurie de liquidités.
Malgré les avantages du reverse factoring, ce type de contrat reste très peu développé en France puisqu’il ne représentait en 2014 que 5 % de l’ensemble du marché français de l’affacturage.
Mais ces dernières années, les grands groupes de la grande distribution ne détiennent plus le monopole. Les banques et sociétés spécialisées, conscientes de l’attrait croissant pour l'affacturage inversé, améliorent leur communication et développent des offres plus étoffées : la couverture géographique s’étend à l’international et les outils digitaux facilitent la gestion à distance et en temps réel par les clients.
Le gouvernement aussi encourage l’essor du recours aux « solutions de financement du crédit interentreprise à l’initiative du client (affacturage inversé) » afin de lever la menace que les problèmes de trésorerie font peser sur beaucoup de petites entreprises.
Une solution sur mesure existe pour chaque entreprise, recommandée par l’organisme d’affacturage. Toutefois, elle doit être intégrée dans une réflexion globale destinée à la fois à satisfaire à ses besoins en financement et la gestion optimale de son BFR.
Elle requiert aussi la participation active des entités internes à l’entreprise pour être efficace, sans oublier une bonne communication aux fournisseurs pour les convaincre d’adhérer au programme.
Bien que l’intégration du reverse factoring puisse s’avérer chronophage et complexe, il représente une alternative efficace de financement pour les PME et ETI, surtout dans certaines filières en difficulté. Une aubaine, avec les effets de Bâle III qui se profilent sur le financement des banques.