L’essor du financement participatif pro n’assure pas pour autant sa pérennité

réunion au sein d'une start up

Visant à financer des desseins personnels à ses débuts, le crowdfunding a connu d’immenses évolutions ces dernières années pour devenir une option de financement pour les entreprises, autre que les prêts bancaires. Dans la même foulée, il représente un placement des plus bénéfique pour les investisseurs étant donné son importante rémunération. Ce qui explique sa fulgurante progression au cours des six premiers mois de l’année. Un essor qui cacherait toutefois un certain revers.

À l’heure actuelle où la politique des taux bas impacte inéluctablement les rendements de plusieurs produits d’épargne, dont le livret A qui se trouve en tête de liste, le crowdfunding prend son envol. Loin de s’en tenir aux soutiens financiers des projets totalement personnels, ce financement participatif s’est tourné depuis quelque temps vers les entreprises.

Une aubaine pour ces dernières qui ont, désormais, un autre moyen de se financer que celui provenant des établissements bancaires. Des bénéfices aussi pour les investisseurs étant donné qu’il peut rapporter jusqu’à 8%.

Rien d’étonnant alors que le dispositif a affiché des résultats prodigieux (des collectes plus de deux fois supérieures entre janvier et juin 2018, par rapport à l’année dernière, sur la même période). Cependant, il faut préciser que sous cet essor évident se cache une réalité quelque peu alarmante.

Un incontestable essor

Auparavant, l’objectif du crowdfunding a été de porter secours à des particuliers afin qu’ils puissent réaliser des mini-projets qualifiés comme étant personnels. Et ce, grâce à des donations. Durant ces dernières années toutefois, il a pris un virage important en se penchant sur des solutions de financement d’entreprises (sous forme de crédit).

Bon nombre d’établissements ont alors désormais le choix entre souscrire un prêt bancaire, ce qui n’est pas forcément accessible, ou recourir à ce système pour le moins innovant.

À noter que les TPE, récemment lancées, sont les plus intéressées par ce dernier. Et qui sont alors mises en contact avec des investisseurs par le biais des plateformes en ligne dédiée qui en compte aujourd’hui près de 80.

Il faut dire que ce dispositif ne manque pas d’attrait. En effet, entre son rendement de 6 à 8% et les faibles rémunérations des livrets d’épargne, notamment le livret A qui rapporte annuellement 0,75% net, ainsi que les contrats vies dont les rémunérations ne dépassent pas 3%, le choix sera vite fait.

Il va de soi que ses collectes ont décuplé à l’espace d’un an. À titre d’indication, les six premiers mois de l’année ont été plus que fructueux. KPMG évoque dans son étude un rebond de 150% sur les fonds collectés, par rapport au premier semestre 2017, pour une valeur de 159 millions d’euros. Parallèlement, à la tête de l’association Financement participatif, Stéphanie Savel affirme qu’il s’agit :

« D’une pierre jetée dans le jardin des banques. Pour preuve, le montant des sommes prêtées via ce canal a augmenté de 36 % au cours des douze derniers mois ».

Stéphanie Savel.

Un avenir moins fiable

Le crowdfunding pro évolue tellement vite si bien qu’il pourrait même réformer le marché des crédits. Toujours est-il que les acteurs du domaine rencontrent des contraintes majeures, leur amenant à se questionner sur leur devenir. D’autant que la liquidation d’Unilend, un pionnier du secteur, en octobre dernier ne leur a certainement pas laissé de marbre.

Le fait est que la rentabilité de ces plateformes se repose sur de gros contrats de prêt étant donné qu’elles se financent grâce à une commission de 4 à 6%. Comme le fait valoir le fondateur d’Unilend, Nicolas Lesur, lors de son interview avec le quotidien Libération :

« Avec la baisse des taux, les banques traditionnelles se sont mises à accorder plus facilement des prêts aux petites entreprises. Or notre modèle n’était viable que si nous réalisions près de 50 millions d’euros de crédit par an ».

Nicolas Lesur.

Ce qui n’est pas évident, car elles affichent trop de laxisme dans la sélection des dossiers éligibles (évaluation de la santé économique et estimation de la faisabilité des projets à financer). Sans parler de la concurrence de plus en plus tendue occasionnée par l’engouement pour ce marché. Ce qui fait que le seuil de rentabilité sera difficilement atteint. Nicolas Lesur en a conclu que :

« Aujourd’hui, aucun site n’est rentable ».

Nicolas Lesur.

Au DG du Crédit Mutuel Arkéa, Ronan Le Moal, aussi de souligner :

« On n’a pas encore vu de plateformes qui aient réussi à mettre en place une méthode innovante d’analyse de risques pour les projets qu’elles vont sélectionner ».

Ronan Le Moal.

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