La tentation du revenu universel face aux difficultés causées par le Covid

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La crise sanitaire a eu de lourdes répercussions sur les finances des ménages, surtout ceux ayant un ou plusieurs membres de leur famille touchés directement par le coronavirus. L’État a beau déployer un arsenal d’aides exceptionnelles, les difficultés persistent. Certains économistes se demandent alors s’il est temps de réétudier la pertinence du revenu universel.

La vaccination contre le Covid-19 avance à grands pas en Europe, en Asie et en Amérique du Nord. Un retour à la normale, comme c’est déjà le cas en Israël, semble toutefois lointain pour de nombreux pays, y compris la France. Et pour cause, la crise sanitaire est bien partie pour affecter durablement le quotidien des Français. Elle provoque un véritable chamboulement social et économique, auquel personne ne s’attendait vraiment. Du côté des économistes, certaines voix s’élèvent en faveur de la mise en place d’un revenu universel, un système plébiscité à la fois par les adeptes de la pensée libérale et les sociaux-démocrates.

Une réforme loin d’être aisée et pratique

Il serait trompeur de considérer le revenu universel comme la solution à tous les problèmes de liquidités des particuliers et aux difficultés à financer le besoin de trésorerie des entreprises. Cette forme de protection sociale globale et uniformisée ne garantit pas non plus des économies significatives comparées au système en vigueur actuellement en France. Antoine Bozio, professeur et chercheur à l’École d’économie de Paris et maître de conférences à l’EHESS, affirme même qu’un tel dispositif coûtera plus cher à l’État… et à la population.

Cela ne l’empêche pas de le défendre et d’y voir un investissement sur le long terme, à condition de viser les bons objectifs et de procéder à des réformes par ordre prioritaire. L’exemple du Royaume-Uni, qui a instauré la formule dite de l’universal credit, en est la preuve. Après de longues années de tractations et de débats, ce système s’applique progressivement à partir de 2012. Le « universal credit » remplacera en 2024 toutes les prestations sociales en vigueur outre-Manche, dont :

  • l’aide au logement ;
  • le crédit d’impôt pour le retour à l’emploi ;
  • l’allocation invalidité et chômage ;
  • l’aide aux personnes dispensées de recherche d’emploi.

La mise en œuvre progressive de ce dispositif unique n’a pas été de tout repos, entre les coûts imprévus et le nombre plus élevé que prévu de perdants par comparaison avec l’ancienne protection sociale. Le système a toutefois montré sa pertinence durant la crise sanitaire, en permettant au Royaume-Uni de mieux gérer les situations d’urgence consécutives à la pandémie.

Une réforme en profondeur d’un système révolu

Antoine Bozio, comme d’autres économistes, reconnait volontiers les lacunes des systèmes de protection actuels face à la crise sanitaire. Le gouvernement a bien fait :

  • d’augmenter le RSA ;
  • de généraliser le chômage partiel ;
  • de proposer des aides spécifiques aux jeunes ;
  • d’instaurer le fonds de solidarité pour les travailleurs indépendants et les entreprises.

Ces aides, gratifiées d’une enveloppe de plusieurs milliards d’euros, se sont malgré tout révélées insuffisantes. Faut-il donc profiter de la crise sanitaire pour les remplacer en urgence ? Le gagnant du prix du meilleur jeune économiste du Cercle des économistes le déconseille vivement. Selon lui, le revenu universel n’a rien d’un changement à faire à la va-vite, ni un virage que les décideurs politiques peuvent sous-estimer. Il s’agit au contraire d’un programme au long cours et très complexe. Cette réforme en profondeur exige :

  • un réexamen des aspects techniques de la protection sociale actuelle ;
  • une étude au cas par cas de chaque dispositif ;
  • une juste estimation des besoins pour trouver le moyen de les financer.
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